Pour ce troisième jour de trek dans les alpes bernoises, nous avons rendez-vous avec deux monstres sacrés de la Suisse allemande. L’Eiger et sa face nord qui a donné tant de fil à retordre aux alpinistes. Et la piste de descente de Wengen, la plus vieille course de ski alpin du monde mais surtout l’une des plus difficiles.
Nous retrouvons notre guide, Josef Erni de la Jungfrau Rail, à la gare de Grindelwald. Et nous embarquons dans le train de montagne qui nous mène jusqu’à la station d’Alpiglen 580 mètres de dénivelé plus haut et 20 minutes plus tard.
La face nord de l’Eiger : sur les pas des alpinistes
Nous voici au départ de l’Eiger Trail. Nous quittons les alpages et les chalets suisses ( ces petits modèles servent à la conservation des fromages ) pour emprunter le sentier de randonnée qui longe la face nord de l’Eiger jusqu’à Eigergletscher. Un des sommets les plus impressionnants de la région de la Jungfrau.
Nous laissons, derrière nous, l’imposant Wetterhorn qui culmine à 3701 m d’altitude.
Le chemin serpente à flan de montagne et nous offre une vue imprenable sur la vallée de la Jungfrau. Nous sommes sur le versant opposé à celui de la veille. De là, on aperçoit les crêtes que nous avons foulées le jour précédent, la plus ancienne auberge de montagne au sommet du Faulhorn, la station de ski de First et le col de Grosse Scheidegg. On en a fait de la route !
Sur le sentier, cascades et torrents dévalent la mythique paroi nord de l’Eiger entre la roche abrupte et les névés blancs.
Le trail surplombe le village de Grindelwald. La commune est nichée au pied de la face nord de l’Eiger à 1034 m d’altitude. La station de montagne est jumelée avec Matsumoto, une ville japonaise, ce qui en fait l’un des villages les plus touristiques de la région.
L’Eiger, sa face nord et ses 1600 mètres de falaise quasi verticale ou déversante. Ce n’est pas le plus haut sommet de la Jungfrau mais c’est la plus grande face des Alpes.
Du haut de ses 3970 m d’altitude, l’Eiger, qui signifie « le grand épieu », défit les alpinistes. Beaucoup y ont perdu la vie. Au milieu du 19ème siècle, cette discipline fait des émules. L’alpinisme devient populaire et les guides de montagne accompagnent les touristes dans l’ascension des plus hauts sommets. Mais ce n’est qu’en 1938 que la face nord de l’Eiger est conquise par Anderl Heckmair, Ludwig Vörg, Heinrich Harrer et Fritz Kasparek. Deux cordées, l’une allemande, l’autre autrichienne, qui se rejoignent après avoir survécu à une avalanche.
C’est aujourd’hui le suisse Dani Arnold qui détient le record depuis son ascension de l’Eiger en solitaire en 2011. A l’age de 27 ans, il mit deux heures et vingt huit minutes pour gravir la face nord. Quand on sait qu’en 1938, il avait fallu trois jours à la cordée Heckmair et Vörg !
Tel le Walk of Fame d’Hollywood Boulevard, les empreintes des plus grands alpinistes qui ont conquis l’Eiger sont gravées dans la roche ( moulés dans le béton ) à la fin de l’Eiger Trail.
Eigergletscher : au pied des glaciers
2 heures et 50 minutes plus tard, nous arrivons à la gare d’Eigergletscher à 2320 m d’altitude.
770 m de dénivelé qui nous on conduit vers les plus belles montagnes des Alpes suisses.
Youpi !
Pour ceux qui n’aiment pas marcher, Eigergletscher est aussi accessible en train. Elle est pas belle la vie ! Depuis le 1er août 1912 et après 16 années de travaux, un chemin de fer à crémaillère, de la compagnie Jungfraubahn, conduit les touristes avides de sensations fortes au plus près des neiges éternelles. Tellement près qu’un tunnel traverse la face nord de l’Eiger jusqu’au col de Jungfraujoch, la plus haute gare ferroviaire d’Europe qui culmine à 3454 m. Deux stations intermédiaires, Eigerwand à 2865 m et Eismeer à 3160 m, permettent aux voyageurs d’admirer la vue depuis la face nord de l’Eiger sans crampons ni piolet ! Mais avec votre porte monnaie tout de même, puisqu’il vous en coutera 184 CHF par personne depuis Grindelwald ( prix aller-retour ). Vertige et frisson garantis !
Pas de petit train jusqu’aux sommets pour nous. On se contentera d’admirer le Mönch et la Jungfrau, qui jouxtent l’Eiger, depuis la terrasse du restaurant d’Eigergletscher. La vue sur ces monstres de glace et de roche est à couper le souffle ! 4107 m d’altitude pour l’un, 4158 m pour l’autre… des chiffres qui donnent le tournis. Le gigantisme des montagnes, l’épaisseur des glaciers, les textures… on ne se lasse pas de contempler ce paysage exceptionnel.
Le ventre plein ( oui parce que l’on a beaucoup marché mais on a aussi bien mangé pendant ce trek dans l’Oberland bernois ), nous partons visiter la « Kirchli » quelques mètres plus bas. Il s’agit d’une ancienne gare ferroviaire, qui tient son nom de sa ressemblance à une église, transformée en petit musée à la gloire des alpinistes ayant conquis l’Eiger. Les installations interactives et multi-média content les histoires dramatiques et fascinantes des ascensions de ce célèbre sommet. On découvre une réplique en bois de l’Eiger de six mètres de haut, sur laquelle se projettent, au laser, les illustres trajectoires des alpinistes. Mais aussi une collection d’appareils photos, perdus dans les environs, qui ornent le plafond.
Puis, nous entamons la descente jusqu’au col de Kleine Sheidegg, entre l’Eiger et le Lauberhorn. Haut lieu touristique à 2061 m d’altitude où gare, restaurants et hôtels font face à l’Eiger. C’est depuis cette gare, que l’on observa en 1936, quatre grimpeurs perdre la vie dans les parois de l’Eiger.
De là, nous remontons sur la pente voisine pour atteindre la piste du Lauberhorn.
Wengen : descendre la piste des championnat du monde de ski alpin
Depuis le sommet du Lauberhorn, au départ de la piste, on a une vue imprenable sur l’Eiger, le Mönch et la Jungfrau.
On distingue à merveille le Silberhorn ( 3895 m ), un pic neigeux de la Jungfrau.
D’ici, on prend toute la mesure des difficultés de la face nord de l’Eiger.
Entre le Mönch et la Jungfrau, on aperçoit même le Sphinx. Un observatoire météorologique, astronomique et scientifique situé à 3571 m d’altitude. Le Top of Europe est accessible depuis un ascenseur d’une centaine de mètres sous la roche qui le relit à la gare de Jungfraujoch ( 3454 m ). Si l’observatoire n’est pas ouvert au public, une plateforme panoramique offre une vue spectaculaire sur le glacier d’Aletsch, classé avec la Jungfrau au patrimoine mondiale de l’Unesco, c’est aussi le plus long fleuve de glace d’Europe. Pendant l’été, un sentier balisé permet de fouler le glacier jusqu’au refuge de Mönchsjoch à 3650 m d’altitude en 1h30 de marche. Voilà qui vaut sans doute le coup de casser un peu sa tirelire !
La course de ski du Lauberhorn est la descente la plus longue et la plus exigeante du Championnat du monde de ski alpin. 4455 mètres que les skieurs parcours en 2 minutes et 30 secondes en moyenne. Quand on sait qu’on a mis environ 2 h, à pied, du sommet du Lauberhorn jusqu’à Wengen, une descente qui nous a paru interminable, on a du mal à concevoir ce temps si court. Il faut dire qu’avec une vitesse maximum de 160 km/h, les coureurs filent à toute allure !
Tout au long de la randonnée, des panneaux d’informations donnent quelques anecdotes sur la course et son parcours. Des télescopes projettent l’itinéraire la descente de Wengen sur la montagne. Une bonne façon de visualiser le tracé et la complexité de la piste. Certains passages comme ici le Hundschopf ( la tête de chien ), un saut de 40 mètres entre les rochers, font froid dans le dos. Tout comme le Kernen-S, deux virages à 90° sur 30 mètres ou encore Wasserstation Tunnel, un passage sous un viaduc vraiment étroit.
Si la descente est un peu longue sans ski, on a vraiment l’impression d’être dans les traces des skieurs. Une balade qui offre une vision différente de celle qu’on a l’habitude de voir à la télévision. En plus d’être long, le parcours est très raide et demande une concentration maximum aux coureurs. Mais le décor est fantastique ! Et on imagine que battre des records dans une piste si difficile au milieu d’un panorama si exceptionnel ce doit être grisant !
Après 3 h 30 de marche nous faisons une halte à la station d’Allmend ( 1479 m ). Pour tous, les jambes fatiguent. Après une pause boisson rafraîchissante au resto du coin, notre petit groupe décide de prendre le train pour rejoindre Wengen qui n’est pourtant plus très loin.
Un dernier coup d’œil au paysage et nous arrivons à la station de Wengen à 1274 m d’altitude. Ici, pas de voiture. Le village n’est accessible qu’en train depuis Lauterbrunnen.
Une douche plus tard, nous voilà dans la salle de restaurant de l’hôtel Wengenerhof, un établissement quatre étoiles où nous séjournons pour la nuit.
Le soleil se couche sur la région de la Jungfrau colorant le ciel d’un rose parfait. Après de longs éclats de rire, dans le parc de l’hôtel avec la team Allibert Trekking, nous partons nous coucher. Demain, nous découvrirons Winteregg, la promesse encore une fois de belles aventures…
Comme dirait notre guide : « Alors ?! » Avez-vous déjà visité la région de la Jungfrau ?
Photos © Christophe Levet – Violaine Rattin
Retrouvez toutes les infos sur le trek Oberland au pied de l’Eiger sur le site d’Allibert Trekking, ainsi que de nombreuses autres randonnées. Pour plus de renseignements pour voyager en Suisse, rendez-vous sur My Switzerland et le site de l’Office de tourisme de la région de la Jungfrau.
Découvrir nos articles sur la Suisse – To discover our posts about Switzerland :
- Jour 1 / Day 1 : Schynige Platte – Cabane Berghaus Männdlenen
- Jour 2 / Day 2 : Cabane Berghaus Männdlenen – Faulhorn – Lac Bachalp – First – Grosse Scheidegg – Grindelwald
- Jour 3 /Day 3 : Eiger Trail – Lauberhorn – Wengen
- Jour 4 / Day 4 : Lauterbrunnen – Winteregg
Nos partenaires pour ce voyage
août 14, 2015, 9:51
Comme ce serait chouette de pouvoir faire une randonnée ensemble… peut-être un jour dans mes montagnes corses ? <3
Bisous les cocos
août 14, 2015, 10:34
Une rando en Corse avec vous, ce serait génial ! 😉 Je voyage en lisant tes articles et celui de ce matin m’a bien fait rêver ! <3 Des bisous
août 14, 2015, 10:15
Très beau récit. L’Eiger, le Mönch et la Jungfrau font vraiment rêver (même quand on habite en Suisse). Je ne savais pas qu’il y avait un « trail » qui permettait de randonner au plus près de la montagne, merci pour la découverte, c’est noté! Il ne vous reste plus qu’à revenir en hiver pour essayer ce Lauberhorn 🙂 En skiant à une vitesse modérée, la piste est plutôt sympa et pas si difficile que ça…
août 14, 2015, 10:42
Merci Letizia ! Oui, il y a un sentier qui borde le pied de la face nord. Une petite rando d’un peu moins de 3h entre Alpiglen et Eigergletscher. Très sympa à faire même si je trouve que l’Eiger est plus impressionnant depuis le sommet du Lauberhorn ! En hiver ce doit être superbe ! Et la descente à ski vraiment sympa ! Va falloir qu’on retourne en Suisse ! 😉
août 14, 2015, 10:49
Ah quelles sont belles nos montagnes 🙂 Je connais plutôt la région en hiver pour y avoir skié.
L’Eiger est vraiment une montagne mythique, je me souviens d’avoir vu un reportage à la TV sur une tentative d’ascension de 5 alpinistes en 1936 qui s’est soldé par la mort des 5 hommes. Tony Kurz, le dernier à mourir, était mort à 15 mètres des sauveteurs en raison d’un noeud coincé dans un mousqueton… Très marquant
août 14, 2015, 2:42
L’une des tragiques histoires de l’Eiger ! On ne peut être qu’admiratif de ces hommes partis explorer de nouveaux mondes ! Surtout au vu du peu d’équipement qu’ils devaient avoir à l’époque. En tout cas, j’irais bien découvrir ces beaux paysages en hiver, ce doit être très beau et le domaine skiable superbe ! 😉
août 14, 2015, 4:55
Superbe article, vos photos donnent envie d’y aller tout de suite !
Et j’adore l’idée des empreintes 🙂
août 14, 2015, 8:42
Merci beaucoup ! Ravie que l’article te donne envie d’aller découvrir cette belle région ! 😉 C’est vrai que le moulage des mains des alpinistes au pied de la falaise, c’est vraiment une chouette idée ! Belle fin de semaine !
août 15, 2015, 7:27
La beauté de ces paysages est époustouflante !
août 17, 2015, 9:52
Oui, c’est assez incroyable ! On a du mal à imaginer que ces paysages sont réels tellement c’est grandiose ! 😉
août 15, 2015, 9:09
Magnifiques photos, très bel article, vraiment c’est parfait! Amoureuse des montagnes et de la littérature alpine, l’eiger est vraiment un monstre sacré…Très impressionnant! J’avais toujours eu envie de le voir en « vrai », mais là, ces photos ravivent mon envie 🙂 Merci pour ce beau partage!
août 17, 2015, 9:55
Merci beaucoup ! Ravie que l’article te plaise et te donne à nouveau envie de découvrir la région ! 😉 C’est un coin superbe, les paysages sont magnifiques. Si tu aimes les balades en montagne, tu vas adorer ! Bonne journée !